Dans un Monastère (je ne cite ni son nom, ni celui de la ville où il est situé, pour ne pas rafraîchir la mémoire d’un vieux scandale), il y avait une Nonne, laquelle, à propos de riens, comme c’est l’habitude des femmes, et surtout des Religieuses, s’était brouillée avec une autre Nonne qui occupait la cellule contiguë à la sienne. Celle-ci, fine mouche, s’étant mise à épier tous les pas et démarches de son ennemie, remarqua plusieurs jours de suite, pendant l’été, qu’au lieu de se promener avec les autres dans le jardin au sortir de table, elle s’éloignait pour se retirer dans sa chambre, dont elle fermait la porte à double tour. Vivement intriguée, notre observatrice voulut savoir ce qu’elle pouvait bien faire tout ce temps-là, et dans ce but, elle s’enferma de son côté dans sa cellule. Bientôt, elle entendit comme deux personnes qui parlaient ensemble à voix basse (c’était facile, car les deux cellules n’étaient séparées que par une simple cloison très-mince); puis certain bruit de frottement, des craquements de lit, des gémissements, des soupirs, quasi duorum concumbentium; c’en était assez pour surexciter sa curiosité: elle redoubla d’attention, afin de savoir qui était dans la cellule. Mais, comme par trois fois elle n’en vit sortir que la Nonne son ennemie, elle soupçonna qu’un homme s’y était secrètement introduit, et qu’elle l’y tenait caché. Alors elle rapporta la chose à l’Abbesse qui, après avoir pris conseil de personnes discrètes, voulut entendre les bruits et observer les indices qu’on lui dénonçait, de peur d’agir précipitamment et sans réflexion. En conséquence, l’Abbesse et ses affidées se postèrent dans la chambre de l’observatrice, d’où elles entendirent parfaitement les voix et autres bruits signalés. On fit une enquête pour s’assurer qu’aucune des Religieuses ne pouvait être enfermée avec l’autre dans cette cellule, et le résultat se trouvant négatif, l’Abbesse et sa suite se présentèrent à la porte de la cellule fermée, où elles frappèrent à plusieurs reprises, mais en vain: la Nonne ne voulait ni répondre, ni ouvrir. L’Abbesse dut la menacer de faire enfoncer la porte, et ordonna même à une sœur converse de l’attaquer avec un levier. Sur cette menace, la Nonne ouvrit sa porte: perquisition faite, on ne trouva rien. On l’interrogea: avec qui parlait-elle? pourquoi ces craquements de lit, ces soupirs, etc.? elle nia tout.

De la démonalité, et des animaux incubes et succubes